Marie Métrailler et Marie-Magdeleine Brumagne / « La Poudre de Sourire » /  Florides Helvètes 

Quelle bonne idée a eu Marie-Magdeleine Brumagne de s’entretenir avec Marie Métrailler, vers l’été 1974 ! De ces entretiens naîtra ce livre, témoignage extraordinaire et ô combien précieux de la vie de cette paysanne de montagne née à Evolène en 1901 et de ses contemporains. Avec profondeur et sincérité, sans tabou et sans détour, Marie Métrailler nous raconte le quotidien (parfois bien difficile) de nos ancêtres : le travail aux champs et celui du foyer, les soins au bétail, la lourde omniprésence de l’Eglise, de ses nombreux interdits… et la très difficile place de la femme de l’époque, de sa déconnexion totale avec son corps…surtout bonne à travailler, nourrir et enfanter.

Elle se souvient encore de l’avènement du tourisme, des temps passés aux mayens qu’elle aimait tant, du patois, des veillées et de leurs histoires merveilleuses, des plantes qui soignent et des baumes-miracles de son père, des Quatre-Temps et sa procession des Morts…oh, et quelle poésie quand elle nous parle de la brise qui caresse les champs de blé…en patois : « O ver lo bla a lo mura »…et puis il y a encore cet incroyable marais du côté de la Borgne dans lequel on pouvait s’enfoncer jusqu’au cou pour soigner ganglions et infections…les bienfaits curatifs de l’argile, bien sûr !

Marie était différente de ses contemporaines. Artisane indépendante, elle ne se maria jamais, et posséda son propre atelier avec ses métiers à tisser. Elle était courageuse, érudite et très spirituelle. Quelle richesse quand elle nous raconte sa fascination pour la réincarnation et le bouddhisme, Platon, Carl Gustav Jung, et bien sûr Marguerite Yourcenar qu’elle rencontrera dans son atelier.

Elle nous parle aussi des esprits fantastiques qui peuplent nos vallées, comme le Follaton farceur ou les fameuses fées d’Evolène qu’elle a eu la chance de voir danser dans la montagne… et cet ingrédient magique nécessaire pour pouvoir les approcher…un petit peu de poudre de sourire.

Avec une écriture proche de celle du Conte, on se laisse volontiers embarquer dans ce récit fabuleux dans lequel les plus anciens d’entre nous reconnaitront leur jeunesse et la vie de leurs parents, les plus jeunes réaliseront quels défis ont traversé nos courageux aïeux…et quel vivant et merveilleux héritage ils nous ont laissé…notre belle et mystique terre du Valais !

 

Maëlle Schütz, libraire à Des Livres Et Moi, Martigny.